Eminent Monsieur XXX,
C’est une expérience nouvelle. Un cas unique en son genre. Elle a été baptisée L.E.W. Elle a été façonnée selon nos bons vouloirs. Son existence commence ici, dans cette cellule froide et blanche. Elle vivra selon nos règles codes et éthique personnelle en sa compagnie. Seule. Sa seule compagnie.
Ci joint, son dossier matriciel, ainsi que toutes les informations à son conditionnement et quelques photographies du prototype.
Priez d’accepter nos salutations les plus distinguées.

DOSSIER 1.
Nom : PHANTOM.
Prénom : Lew.
Activité N°6.
Centre : Bipolaire.
Couleur : Bleu.
Concept design : Plan 03b. Code Black&Blue.
Matrice de caractère : Neutre. Singulière. Docile. Attirante. Touchante. Incompréhensible. Etonnante. Déroutante. Intelligente. Taciturne. Complexe. Frustrante. Curieuse. Solitaire. Subtile. Ingénue. Patiente. Douce. Enfantine. Calme. // Lunatique. Associable. Violente. Déraisonnable. Orgueilleuse. Fière. Morbide. Négligente. Fausse. Crédule. Décalée. Amère. Incohérente. Craintive. Introvertie. Bipolaire. Volage.
Musique : Expérimentale.
Art : Conceptuel.
Littérature : Roche. Poe. Baudelaire. Gavalda. Nothomb.
Animal : Corbeau.
Fleur : Lys.
Élémentaire : Eau.
Première expérimentation. Sixième génération.

Rapport CortBlue.
002658.CW.F[*]


DOSSIER 2.
Genre : Féminin.
Conception : Génétique. Mère porteuse XXX.
Naissance : 01.01.20**
Résidence : Seattle.
Langue : Américain.
Alimentation : Voies naturelles.
Température corporelle : 36.8°C.

DOSSIER 3.
Journal écrit par Wilbur XXX . Isolateur.

01.01.20**
Le spécimen nous est arrivé aujourd’hui. L’accouchement a eu lieu sans encombre, dans nos locaux. La chambre a été préparée par mes soins. Nettoyée et décorée sobrement. Bleu, blanc et noir. Ses couleurs de référence. La pièce est une cellule réaffecté, sans fenêtre, insonorisée, sans le moindre contacte d’avec le monde extérieur. Les murs ne comptent qu’une bibliothèque de métal où sont entreposés les livres propres à l’expérimentation. Un lit aux couvertures bleu électrique, ainsi qu’une petite table de plastique transparente sont posé sur le pan de mur droit. Un petit poste de musique a été enclin dans le fronton supérieur gauche. Sous un ample tapis de matière synthétique, bleu nuit. Délimité par un paravent turquoise se dresse une salle de bain confortable. Les rangements sont des compartiments installés à même le mur. Rien n’entrave la pièce. Le minimum syndical à la mise en route de l’expérience.

01.02.20**
Elle est parfaite. Exactement selon les plans que nous avions dessinés au laboratoire. La manipulation génétique embryonnaire lui a seulement laissé une tare à l’œil gauche. Bénigne, une marque de référence. Ses cheveux sont aussi noirs que possible, sa peau, blanche, désolarisée. Elle ne pleure pas. Elle dort, dans la couveuse. Toutes les six heures elle se réveille, restant silencieuse, aussi silencieuse que l’air l’entourant. Elle n’entend pas de son, elle ne produit pas de son. Logique. Ses yeux sont encore clos, il est pour l’instant impossible de savoir si le codage a été efficient à 100%. Chromatiquement parlant. Elle est la première à survivre après l’accouchement. Sa nourriture se compose de lait maternel, celui de sa mère porteuse. Tout s’annonce pour le mieux.

01.02.20**
Aucune innovation à apporter au journal.

03.01.20**
Ses yeux sont bleus. C’est une extrême fierté.
Elle s’agite parfois, dans son sommeil. Respire calmement, son pouls ne dépasse jamais les 96 battements minutes. Elle n’est pas encore sortit de sa couveuse. Elle mange ce que l’on lui donne aux heure que l’on lui donne. Son isolement ne lui donne pas encore conscience de sa propre existence. Dans la cellule, aucun bruit n’est fait. Jamais. Sauf au moment des bains. Là, ses yeux s’ouvrent, s’animent. Au contacte de ma peau elle s’immobilise. Je ne lui parle pas, pas pour l’instant. Elle aime l’eau. Y reste de longues minutes sans bouger un membre. Elle se débat quelque peu lorsqu’elle quitte la baignoire. Rien de très important. Dans sa couveuse, elle ne regarde pas par les. Elle reste allongée sur le dos. Elle attend l’eau.

06.01.20**
Six mois. Elle quitte la couveuse. Sa santé est stationnaire. Tous les produits nécessaires à sa survie lui ont été administrés. Ses tympans aussi sont prés à accepter le son. Le premier disque mit à l’écoute est une antiquité du XXème siècle. Radiohead. Elle ouvre de nouveau les paupières lorsqu’elle entend un son nouveau. Elle est déposée sur le tapis où elle est laissée une heure par jour en tout. Elle apprend à se servir de ses membres. Je n’interviens pas encore. Seule, elle s’amuse à attraper ses pieds avec ses mains comme tous les enfants de son âge. Elle ne parle toujours pas, ou plutôt, aucun son ne sort de sa bouche. Moi non plus. J’attends, découvrir à nouveau le timbre de ma voix.

09.01.20**
Aucune innovation à apporter au journal.

01.01.20**
Un an. L'expérience dure depuis un ans. Lew fête aujourd'hui sa première révolution solaire. Dans la chambre a été rajouté quelques coussins et un fauteuil bleu nuit. Elle a été sortie de sa couveuse, déposée sur le canapé de lin. Sur la platine, un nouveau disque. Portishead. Un de leur plus grand sucés du XXe siècle. Elle a ouvert les yeux. S'est lentement redressé à ma vue. Ses membres se sont tendus doucement vers l'avant, ses doigts pâles à quelques centimètres de mon visage. Je me suis approché, elle a posé sa peau contre la mienne. Plus qu'intriguée. Longtemps, a arpenté mes joues, mes lèvres, mon menton, puis a descendu sur mon cou avant de me regarder fixement. Je me suis emparé de ses doigts tremblants. Glacés. Un léger recule de Lew, elle n'a pourtant pas essayé de se délier. Je me suis approché de ses tympans, avant de lui glisser à l'oreille les quelques mots conforme au protocole. Un an. Un nom. Le sien, « Lew, tu t'appelle Lew... »

05.01.20**
Elle marche. Aujourd'hui, elle a fait quelques pas, sur le tapis bleu. En ma direction. Elle a levé les bras avant de s'effondrer au sol. Elle n'a pas pleuré. Elle est restée immobile, pendant 17 minutes. Allongée sur le ventre, le nez contre le tapis polymère. Il venait d'être nettoyé au jasmin.
Il était l'heure de la remettre en milieu aseptisé. Je me suis approché d'elle, elle s'est levée. Seule, à l'aide des ses bras. Trois pas en ma direction, avant d'enlacer sa peau blanche autour de mes jambes. Elle ne m'a pas lâché. Lorsque j'ai décroché ses bras fins, elle est tombée de nouveau sur le dos. Elle a fermé les yeux. Son petit corps se soulevant doucement. Le disque avait fini de tourner.

06.01.20**
Elle dors hors de sa couveuse à présent. Ses poumons et son complexe immunitaire sont prêts à recevoir l'air extérieur. Ou plutôt, l'air aseptisé de la chambre. Elle a été déposé sur son lit, elle s'est couché et a fermé les yeux. Pas même curieuse, au silence, elle répond par le silence. Elle ne dors pas, elle reste immobile. Allongée sur ses draps. Elle ne connait pas le froid. Pas la chaleur. La température de la geôle est stabilisée à 20°C, quelque soit la saison. Elle reste immobile, toujours, sur ses drap de satin, lorsque l'air est silencieux. Il suffit d'un frottement, d'un battement, et ses yeux lagon s'ouvrent, Là, elle se tourne légèrement, cherche. Le bruit. Sa signification. Ce qu'elle préfère, c'est le son de l'eau. Elle cherche le corps étranger qui la plongera dans le liquide glacé. Le seul moment où elle connaitra les variations de température. L'eau.

09.01.20**
Parler. Tous les jours à heure fixe, elle est déposée sur l'édredon de lin. Un mot, répété sans cesse. Lew. Émerveillée à l'entente de ces vocables, il faut qu'elle aime ce mot plus que personne. Sa signification subjective. Ce qu'elle en fera, par la suite. Sa décision personnelle. Le reste est glissé dans un mouchoir. Et il attendra, le temps qu'il faudra.

10.01.20**
Des lectures. Edgar Allan Poe. Couchée contre ses draps, elle écoute le son de ma voix, sans le moindre mouvement. Des heures. Sans s'arrêter. Les yeux vagues, à moitiés clos. Ses mains restent attachées à la première reliure qu'elle trouve. Ne décrochent pas. Ecoute, son pouls toujours régulier. Corbeaux au dessus de nos têtes. Sans images, seulement les mots, et leur pouvoir démesuré. Elle écoute, à toute heure. Les histoires papier et musicales. S'immobilise au son de ma voix, comme elle se fermait une fois la musique éteinte. Attentive, elle comprend, c'est certain. Elle découvre ce qu’elle ne voit pas. Découvre pour redécouvrir ensuite. A travers les yeux des autres, à travers le son de ma voix. S’enferme en ce monde clos que nous créons pour elle. S’enferme pour comprendre les erreurs des hommes.

11.01.20**
Aucune innovation à approter au journal.

11.01.20**
Aujourd’hui, je lui ai lu des poémes de Baudelaire. Elle a fermé les yeux. Posé sa têtes sur mes genoux. Elle s’est endormis.

11.02.20**
Son premier mot. Par delà son mutusme infernal, ses cordes vocales ont lancées leurs premières décibels. Lew. Elle a murmuré son nom, à la fin d’une nouvelle de Gavalda. Immobile, a attendu que l’écho se dissipe. Puis, elle a posé sa main sur mon torse, et pour la première fois, a plonger ses yeux dans les miens. Bleu azur. Une question muette à laquelle j’ai répondus sans dissernement. Wilbur. Là, ma première erreur.

11.02.20**
Elle l’a répété. Inlassablement toute la journée. Ses lèvres opalines n’acceptant aucune nourriture. Alongée sur son lit, pour seul mouvement celui de ces cils. Elle s’

[Le reste de la page est illisible. Encre sombre.]

ses doigts contre ma peau. Ses cheveux s’entremêlant contre ses épaules blanches. Ses paupières closes sur ses yeux lagon. Seulement son souffle entravant le silence intemporel des lieux.

05.10.20**
Le sang. Aujourd’hui. Elle connait l’odeur du sang.

01.11.20**
Elle se lave seule à présent. Il lui arrive souvent de frapper contre le paravent, réclamant ma venue. Elle reste des heures sous l’eau glacées, le jet d’eau puissant coulant contre ses épaules frêles. Elle aime le bruit de l’eau et la sensation de froid. C’est certain. Elle ferme les yeux, et reste dans la salle de bain jusqu’à ce que j’aille la chercher. L’entourer d’une serviette bleu cyan.

01.01.20**
Tool.
Tous deux contre le tissu du fauteuil à écouter les cordes pincées et autres vocales trançandantes. Silence musical.
Anniversaire. Pour la première fois, il lui a été demandé de choisir ce qu’elle aimerait faire de sa journée. Elle s’est levée de son lit. A déposé ses jambes sur le carelage avant d’ouvrir l’un des compartiement contenant la collection de disques audio que nous avions préselectionné. Elle a déposé les trois quart du contenu sur le sol, accordant une bréve attention à chacun des boîtiers. Puis, Tool. Pochette de papier. Persée de deux disques de verre. Noir et bleu. Elle s’est approché de moi. A déposé la pochette entre mes mains. Son choix était fait. Et nous allions nous y tenir.

[Pages arrachées. Quelques notes subsistes, mais sans grand intérêt.]

06.06.20**
Adieu . Belle. Adieu.

[C’est comme cela qu’il mangea ses mots. Son encre. Il protégea ce qui était devenu indispensable de l’arme qu’il avait lui-même crée. Il se puni lui-même. Il dévora sa peine. Laissa échapper son malheur.]